Fraude et conséquence

Publié le par Sassia

par M. Saadoune

 

Ils étaient 30.000 personnes selon les es timations de la police, quatre fois plus selon les opposants, à manifester samedi contre le règne de Vladimir Poutine. Du classique dans toutes les manifestations y compris dans les pays occidentaux. Mais l'événement est important. La réélection de Vladimir Poutine en mars prochain à la présidence paraissait une formalité. Elle ne semble plus l'être tout à fait même si la presse occidentale prend ses aises en décrétant que les «Russes ne veulent plus de Poutine». Il y a bien des Russes qui ne veulent pas de Poutine mais ils ne sont pas, jusqu'à preuve du contraire, la majorité des Russes.

Poutine va devoir admettre qu'il n'est pas seul et que l'arrivée à la présidence va se dérouler dans un contexte politique où les opposants, toujours très divisés, sont revigorés. Gorbatchev a appelé Poutine à se retirer, il est certain que cette «aimable» invitation ne sera pas entendue par le concerné et par les puissants intérêts politiques et économiques qui lui sont liés. Il est remarquable de noter que ce sont des fraudes électorales aux législatives qui ont relancé l'opposition politique et lui ont donné les moyens de sortir la prochaine présidentielle du sceau de la formalité. Voilà une fraude, que certains estiment inutile au vu de la dispersion et des divisions de l'opposition, qui se retourne en définitive contre ses auteurs. Il reste néanmoins à garder la tête froide.

Contrairement à ce que suggèrent les médias occidentaux, Poutine n'est pas «rejeté par les Russes». Il joue au contraire, très largement et avec succès, sur une fierté «nationaliste» qui a de l'écho auprès des Russes. Poutine a fait durant ses deux précédents mandats présidentiels suivis d'un mandat de chef de gouvernement (un arrangement qui lui permettait de garder la main tout en respectant la Constitution qui ne permet pas plus de deux mandats successifs) de la réhabilitation de la «puissance» de la Russie un leitmotiv. Et s'il a dû souvent faire preuve de réalisme et de pragmatisme vis-à-vis des Occidentaux, il a défendu avec vigueur ce qu'il considère comme des intérêts stratégiques de son pays. A commencer par une reprise en main, souvent brutale, du secteur énergétique concédé par son prédécesseur Eltsine à des oligarques fortement liés aux intérêts occidentaux. Il est bon de le rappeler car, en matière de respect des libertés, Eltsine, le bien-aimé de l'Occident, n'avait rien d'un modèle.

La contestation anti-Poutine est-elle le prélude à un chamboulement de la situation politique en Russie ? Dans l'absolu, rien ne l'exclut. Mais en même temps, il est difficile de ne pas relever que c'est une probabilité faible. La popularité de Poutine, liée à son idée de rétablissement de la puissance russe dans le monde, reste forte. Et si l'opposition - dont le caractère hétéroclite n'échappe à personne - a rassemblé du monde à Moscou, elle n'a guère dépassé 4.000 personnes à Saint-Pétersbourg et beaucoup moins dans d'autres villes. A l'évidence, les Russes s'enflamment moins vite que les analystes occidentaux. Mais la Russie est peut-être, en raison de la contestation de la fraude électorale, sur la voie d'une revitalisation d'une vie politique entièrement dominée par Poutine depuis au moins quinze ans.
Le Quotidien d'Oran - 26/12/2011

 
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