Tunisie, Égypte, «niet» des islamistes à la citoyenneté ?

Publié le par le blog de Sassia

 

Par Hassane Zerrouky - Le Soir d'Algérie - 14/07/2011 


Nous l’avions écrit : après la chute de Ben Ali, le plus dur était à venir. Et cela n’a pas tardé. Comme en Algérie, après octobre 1988, en Tunisie, les forces réactionnaires, les islamistes d’Ennahdha et les salafistes de Tahrir n’ont pas tardé à se mettre à l’œuvre avec pour objectif de confisquer une révolution à laquelle ils n’ont pas pris part, ayant assisté en spectateurs au mouvement populaire qui a emporté le régime de Ben Ali.
Au début, en janvier-février dernier, place de la Casbah à Tunis où se trouve le siège du Premier ministère, occupé alors par les jeunes de Sidi Bouzid et Kasserine, pas l’ombre d’un «nahdhaoui» ni d’un salafiste parmi ces milliers de jeunes brandissant l’emblème national et des drapeaux rouges, des portraits de Mohamed Bouazizi et de… «Che Guevara». Sur les murs, ces inscriptions en espagnol qui en disaient long sur le sens de leur combat : «Hasta la victoria», mot d’ordre des révolutionnaires cubains qui avaient renversé la dictature de Batista en 1959. Ennahdha était alors resté à l’écart de ce mouvement qui exigeait la démission du gouvernement Ghanouchi. Tahrir, un groupuscule salafiste, peinait à exister. Mais depuis la chute de Ben Ali, la situation a bien changé. Dotés de moyens financiers considérables, et ce, grâce à l’argent en provenance des pétromonarchies du Golfe, les islamistes étalent leur force. Ennahdha qui, de l’aveu d’un de ses dirigeants, Zied Dalouatli, rencontré à Tunis en février dernier, ne disposait en 1989 que d’un appartement de trois pièces tenant lieu de siège, se paie aujourd’hui un immeuble high tech dans le quartier huppé de Montplaisir de Tunis, doté de puissants moyens de communication – fibre optique sécurisée (deux méga) - le reliant à ses structures dans les 24 gouvernorats de Tunisie. Et ce, en plus des nombreux sites internet que le parti de Ghanouchi partage avec Tahrir ! Plus inquiétant, derrière un discours de façade prônant la démocratie, le dialogue, la confrontation d’idées, la promesse de ne pas toucher au statut des femmes, ce sont ces multiples agressions physiques et verbales ayant lieu à Tunis et ailleurs. Contre les femmes d’abord qu’on tente de terroriser et auxquelles Ennahdha, qui condamne bien sûr ces actes, conseille une «tenue correcte» pour ne pas être agressées, à savoir mettre le hidjab ! Les rassemblements et les meetings de l’AFDT (Association des femmes démocrates tunisiennes) ont été perturbés violemment et leurs militantes agressées par des militants d’Ennahdha à Kairouan, Sfax et dans d’autres villes du pays. Il en est de même pour le parti Ettajdid qui prône publiquement la séparation du politique et du religieux, du PDP (Parti démocratique progressiste) de Nejib Chabi. Le cinéaste Nouri Bouzid a été frappé à la tête avec une barre de fer pour avoir demandé l’inscription de la laïcité dans la Constitution. Le 26 juin, le cinéma AfricArt est saccagé par des salafistes croyant qu’il allait projetait le film de Nadja Al-Fani Ni Allah ni maître. Cette dernière est par ailleurs menacée de mort. Ces agressions, ces pressions multiformes sur les femmes et les démocrates ne sont pas sans rapport avec l’adoption par la Commission des réformes politiques le 1er juillet du «pacte républicain» préconisant «la séparation entre les domaines politique et religieux», «l'indépendance personnelle de chaque citoyen dans ses croyances et son droit à pratiquer les rites religieux, et la préservation des acquis de la femme tunisienne», autrement dit de la citoyenneté, qui doit servir de socle à la future Constitution(1). D’où l’inquiétude des forces de progrès face à la poursuite de la détérioration de la situation à tous les niveaux et visant à empêcher la Tunisie d’aller de l’avant. En Égypte, rien n’est encore acquis. Les Frères musulmans, qui ont créé un parti, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), concurrencé sur sa droite par les salafistes, affirment haut et fort la primauté de la religion sur la loi, mettant entre parenthèses la citoyenneté pour laquelle des dizaines de milliers d’Egyptiens se sont battus place Tahrir.
H. Z.
(1) Tous les partis, sauf Ennahdha qui s’en est retiré en juin dernier, les associations de la société civile et les syndicats, sont représentés dans cette commission présidée par Yadh Ben Achour.

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