D’où vient le concept d’égalité réelle ?

Publié le par Sassia

 

Notre époque semble propice au marketing politique. Après « la société du care » propulsée en France par Martine Aubry ou la « laïcité positive » construite par Nicolas Sarkozy, Benoît Hamon propose aux socialistes de défendre et de promouvoir le concept de « l’égalité réelle ». Nous connaissions l’idée fondatrice de notre République d’égalité. Nous connaissions l’idée de la réalité. Mais qui a eu l’idée de les associer ? La difficulté de l’exercice réside dans le caractère banal de ces deux termes. En retracer l’historicité paraît difficile en quelques pages. Nous allons donc nous concentrer sur les grandes étapes qui ont construit cette expression, sa force politique et son fonds doctrinaire. Si les think tanks n’ont pas inventé l’égalité réelle, ils lui ont permis de s’installer sur l’agenda politique du Parti socialiste.

 

La force politique de l’égalité réelle ou la défense de la République

 

L’égalité réelle semble être apparue comme un étendard républicain face aux inégalités laissées par l’ancien régime au cours de la révolution française. Dès 1791, nous retrouvons cette expression dans les Cinq mémoires sur l’instruction publique rédigés par Condorcet. Girondin, ardent défenseur de la République et des droits de l’homme, Nicolas de Condorcet développe une vision moderne de l’instruction publique. Suivant la philosophie des Lumières, il propose de mettre en mouvement les principes révolutionnaires et de les réaliser concrètement. Ainsi, il souhaite dépasser l’égalité de droit inscrite dans les lois pour atteindre une égalité réelle, inscrite dans les faits : « Les lois prononcent l’égalité dans les droits, les institutions pour l’instruction publique peuvent seules rendre cette égalité réelle. » A cet égard, l’éducation publique constituerait la clé de voûte vers cet objectif égalitaire. Condorcet inverse la logique du contrat social développée par Rousseau. En effet, l’égalité est théorisée comme un levier d’autonomie et de liberté : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté, ni justice dans une société, si l’égalité n’y est pas réelle ; et il ne peut y avoir d’égalité, si tous ne peuvent acquérir des idées justes sur les objets dont la connaissance est nécessaire à la conduite de leur vie » [in Journal d’instruction sociale, 1793]. Il annonce ainsi les débats modernes sur l’égalité des chances. Un siècle plus tard, sous la IIIème République, le mouvement socialiste forgera son identité sur ce principe.

 

Le fonds doctrinaire de l’égalité réelle : de la justice sociale à l’égalité des chances

 

La force politique de l’égalité réelle s’est donc construite sur l’essor et la défense de la République. Son contenu moderne, débattu aujourd’hui au sein du PS, puise son fondement dans les théories de la justice sociale développées au cours des années 70. Cette chronique n’a évidement pas la prétention de retracer l’histoire de la justice sociale mais afin d’éclairer notre sujet, je me permets de revenir sur deux auteurs fondamentaux : le philosophe américain John Rawls et l’économiste indien Amartya Sen.

En 1971, John Rawls publie A theory of justice, un ouvrage qui modifiera en profondeur la pensée politique contemporaine. Très schématiquement, l’objectif de la réflexion rawlsienne est de comprendre l’articulation entre liberté individuelle et équité sociale. Remettant en cause la vision utilitariste de l’action publique, Rawls énonce deux principes de justice inscrits au cœur du contrat social : le principe d’égalité des libertés de base et le principe de différence. Le premier principe stipule que la liberté individuelle ne peut être sacrifiée au nom du bien commun. Le second principe introduit la notion d’égalité des chances et établit que les inégalités sont injustifiées sauf si elles profitent aux plus défavorisés. Ses deux fondements justifient dans le même temps un système à économie de marché permettant d’accroître les richesses et une fonction redistributive des ces richesses, assurée par l’Etat (qui permettrait d’assurer l’égalité). Il pose ainsi les bases de la social-démocratie.

De son côté Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998, montre l’insuffisance du système présenté par Rawls. Ainsi, un même revenu (résultat hypothétique de la redistribution des richesses) ne permet pas à toutes les personnes une égalité des possibles. En effet, la liberté et la capacité (qu’il réunit au sein de la notion de « capabilité ») de chaque individu à utiliser ces ressources ne sont pas égales. Le capital financier est donc insuffisant pour établir l’égalité au sein d’une société, il est nécessaire de lui associer des éléments sociaux et culturels pour qu’il soit plus efficient. Cette critique et les propositions de Sen serviront de postulat intellectuel pour les réflexions socialistes sur l’égalité réelle.

  Lettre du pére noel

Le renouveau de l’égalité réelle dans la vie politique française contemporaine

 

Les conditions de réalisation de l’égalité constituent un débat permanent en France recouvrant les compétences de nombreuses politiques publiques, à commencer par la fiscalité, l’éducation, le logement, l’insertion professionnelle ou la lutte contre la pauvreté. Ainsi, l’égalité réelle n’est pas un sujet nouveau au sein des partis. Par contre, la volonté de faire de cette ambition un programme électoral s’est révélée ces dernières années.

La République des Idées de Pierre Rosanvallon a ouvert le débat avec la publication de plusieurs essais sur le sujet : L’égalité des possibles d’Eric Maurin (2002), L’école des chances de François Dubet (2004), La République et sa diversité de Patrick Weil (2005), La discrimination négative de Robert Castel (2007), etc. Tout au long de la décennie, le Parti socialiste a intégré ces réflexions à la préparation de ses congrès nationaux sans en faire un programme politique ad hoc. A l’inverse, en 2004, souhaitant rassurer une partie de l’électorat socialiste en vue des échéances électorales, Dominique Strauss-Kahn formalise le cadre de son programme politique au sein d’une note publiée par la Fondation Jean Jaurès. Il l’intitule « Pour l’égalité réelle, éléments pour un réformisme radical ». Il s’appuie sur les réflexions de la République des idées et des thèses soutenues par Amartya Sen pour proposer une social-démocratie moderne : « Pour renouer avec une égalité réelle des chances, je propose de construire un nouveau socialisme, le socialisme de l’émancipation. […] Il suppose une évolution sensible de la pensée socialiste : passer de la compensation en aval des inégalités – la logique de l’Etat-providence – à une logique de correction en amont. »

L’égalité des chances a ensuite le vent en poupe et est mise à toutes les sauces et colorations politiques. En 2006, une loi pour l’égalité des chances sera même adoptée. Toutefois, comme le montre François Dubet dans son ouvrage Des Places et des chances, la définition pose problème et voit s’opposer deux visions de l’égalité : une vision dynamique, plus individuelle, centrée sur la réussite sociale de quelques-uns comme levier de projection pour les autres, et une vision collective plus sociale visant à la promotion sociale du plus grand nombre. C’est cette deuxième acception que Benoît Hamon a promu au sein du Parti Socialiste avec la Convention égalité réelle dont le texte a été adopté en décembre 2010 par le Conseil National et les militants.

Au-delà de querelles partisanes ou de rivalités d’ego, les débats sur l’égalité réelle interrogent donc notre modèle social et le rôle de l’Etat. De Condorcet à Sen en passant par Rawls, l’égalité et la justice ont contribué à créer des points de rupture dans la pensée politique. Le choix du PS d’inscrire ce thème dans son programme lui permettra probablement de se différencier de ses adversaires de droite et d’occuper l’espace électoral de gauche. L’égalité réelle relève ainsi d’une démarche de positionnement électoral.

 

Amaury Bessard Président Fondateur - 08/3/2011

 

Source : http://www.oftt.eu/chroniques/article/d-ou-vient-le-concept-d-egalite

 


 

Le 14/ 12/2012

 

Mercredi dernier... 

 

Accoyer et la guerre de 2012
 

Après avoir critiqué des propositions de Hollande, le président de l'Assemblée a laissé entendre que rater le rendez-vous de 2012 aurait des «conséquences comparables à celles provoquées par une guerre.»

 

«Chez nous, c’est massacre à la tronçonneuse», glissait ce matin Jean-François Copé, selon des participants à la réunion à huis clos du bureau politique de l’UMP. Si le patron du parti présidentiel parlait de la promptitude de son camp à riposter au projet de réforme du quotient familial étudié par l’équipe de François Hollande, cette stratégie très offensive s’est encore vérifiée dans la journée. Aux voeux de Bernard Accoyer. Evoquant une «année de vérité», le président de l’Assemblée nationale estime que la situation «ne saurait s’accomoder ni de flou ni de valses hésitations». Aux troupes UMP, il ajoute: «Ne nous y trompons pas: si nous ratons ce rendez-vous de la responsabilité et du courage, les conséquences économiques et sociales pourraient être comparables à celles provoquées par une guerre.»

Echaudés par la polémique «sale mec» et par l’attaque de Nadine Morano qui a jugé, ce mercredi, François Hollande «dangereux» pour la France, les socialistes ont condamné la sortie d’Accoyer, exigeant des excuses. Dans une interview à Libération.fr, la porte-parole Delphine Batho, rappelant que le président de l'Assemblée est «le quatrième personnage de l’Etat», déplore: «Le pouvoir actuel est en train de dévoyer les institutions.» La députée suspecte des «consignes depuis le bureau de Nicolas Sarkozy pour transformer les voeux de toutes les institutions en tribune politique». Allusion aux critiques formulées par François Fillon qui, lors de ses voeux lundi, avait dénoncé la «diabolisation infantile» du bilan du quinquennat par Hollande.

Lire l'interview de Delphine Batho

Jointe par Libération.fr, Najat Vallaud-Belkacem, autre porte-parole de Hollande, se dit choquée par le fait que Bernard Accoyer «utilise le prestige de ses fonctions pour exercer une menace sur les Français. Sait-il seulement ce qu’est une guerre? La guerre en ce moment-même tue des Français, en Syrie par exemple

«Un perchoir pour brailler»

La polémique a amené Bernard Accoyer à faire une mise au point, dans un communiqué dans l’après-midi. Il assure n’avoir voulu que «faire état d’un constat et d’une analyse qui ont vocation à s’appliquer quelle que soit la majorité qui sera en place à l’issue des prochaines échéances électorales».

«Vous dites avoir été mal compris. Mais la phrase que nous incriminons venait en conclusion d’un réquisitoire des propositions et des positions défendues par le parti socialiste et son candidat», notamment sur le quotient familial et le nucléaire, remarque Jean-Marc Ayrault. Dans une lettre qu’il adresse à Accoyer, le chef de file des députés PS lui demande des excuses pour ce «parallélisme aussi outrancier et caricatural» tandis que le président du Sénat, Jean-Pierre Bel (PS) regrette un «dérapage verbal» et appelle son homologue du Palais bourbon à «plus de retenue». Olivier Faure, secrétaire général du groupe PS à l’Assemblée, assure à Libération.fr que la sortie d’Accoyer «est aussi grossière que lorsque Valéry Giscard d’Estaing, en 1981, expliquait qu’une victoire de la gauche amènerait les chars russes à Paris. Dans la bouche du président de l’Assemblée nationale, la maison de la démocratie, ce registre de l’anathème est très choquant.»

«M. Accoyer s’honorerait en retirant ces propos indignes de sa haute fonction», réclame, à son tour, Laurent Fabius. «Dire qu’une alternance à gauche aurait des "conséquences économiques et sociales comparables à celles d’une guerre" donne une idée précise de la vision qu’a, de l’opposition, Monsieur Accoyer», fustige encore le député (PS) Henri Emmanuelli. «Dans ces moments de crise, on a besoin d’hommes et femmes intelligents et pas d’hommes et de femmes qui profitent d’un perchoir pour brailler», renchérit le porte-parole du PS, Benoît Hamon

 

Libération

 

 

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